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Montag, 2. August 2021

LES MISÉRABLES par Victor Hugo, Dessins par Gustave Brion, Premiere Partie

 Gustave Brion est né à Rothau (Bas-Rhin). Il est le petit-neveu de Frédérique Brion avec qui Goethe noua une brève idylle lors de son séjour dans la région.

À Strasbourg, Gustave Brion est élève du sculpteur André Friederich et du peintre Gabriel-Christophe Guérin. Installé à Paris, il intègre l'atelier de Charles Gleyre. Il fonde un atelier au 70-70 bis, rue Notre-Dame-des-Champs, l'endroit ayant le surnom de « Boîte à thé ». Il est l'un des maîtres d'Hippolyte Pradelles.

Il débute au Salon de 1847 à Paris et y expose régulièrement les années suivantes. Sa production est remarquée à plusieurs reprises : il reçoit une médaille de 2e classe au Salon de 1853, une médaille de 1re classe au Salon de 1863, et une médaille de 2e classe à l'Exposition universelle de 1867. Il est nommé chevalier de la Légion d'honneur en 1863.

Peintre régionaliste, il produit notamment des scènes de genre alsaciennes. Il illustre également Les Misérables de Victor Hugo. 

 

 UN JUSTE


En 1815, M. Charles-François-Bienvenu Myriel était évêque de Digne.

Il y avait bien encore dans l'alcôve fermée une chaise, mais elle était à demi dépaillée et ne portait que sur trois pieds, ce qui faisait qu'elle ne pouvait servir qu'appuyée contre le mur. Mademoiselle Baptistine avait bien aussi dans sa chambre une très grande bergère en bois jadis doré et revêtue de pékin à fleurs, mais on avait été obligé de monter cette bergère au premier par la fenêtre, l'escalier étant trop étroit; elle ne pouvait donc pas compter parmi les en-cas du mobilier.
 

Il traversa la montagne à mulet, ne rencontra personne et arriva sain et sauf chez ses « bons amis » les bergers. Il y resta quinze jours, prêchant, administrant, enseignant,moralisant.

 

Comme on était dans cet embarras, une grande caisse fut apportée et déposée au presbytère pour M. l'évêque par deux cavaliers inconnus qui repartirentsur-le-champ.On ouvrit la caisse; elle contenait une chape de drap d'or, une mitre ornée de diamants, une croix archiépiscopale, une crosse magnifique, tous les vêtements pontificaux volés un mois auparavant au trésor de Notre-Dame d'Embrun. Dans la caisse, il y avait un papier sur lequel étaient écrits ces mots: Cravalte à monseigneur Bienvenu.
 

Il y avait près de D.-, dans la campagne, un homme qui vivait solitaire. Cet homme, disons tout de suite le gros mot, était un ancien conventionnel. Il se nommait G. On parlait du conventionnel G. dans le petit monde de D.—avec une sorte d'horreur. Un conventionnel, vous figurez-vous cela? Cela existait du temps qu'on se tutoyait et qu'on disait: citoyen. 

Depuis bien des années déjà, avec mes cheveux blancs, je sens que beaucoup de gens se croient sur moi le droit de mépris; j'ai pour la pauvre foule ignorante visage de damné, et j'accepte, ne haïssant personne, l'isolement de la haine. Maintenant j'ai quatre-vingt-six ans; je vais mourir. Qu'est-ce que vous venez me demander?
—Votre bénédiction, dit l'évêque. Et il s'agenouilla.
 
 

LA CHUTE

 
 C'était un homme de moyenne taille, trapu et robuste, dans la force de l'âge. Il pouvait avoir quarante-six ou quarante-huit ans. Une casquette à visière de cuir rabattue cachait en partie son visage brûlé par
le soleil et le hâle et ruisselant de sueur. Sa chemise de grosse toile jaune, rattachée au col par une petite ancre d'argent, laissait voir sa poitrine velue; il avait une cravate, tordue en corde, un pantalon de coutil bleu, usé et râpé, blanc à un genou, troué à l'autre, une vieille blouse grise en haillons, rapiécée à l'un des coudes d'un morceau de drap vert cousu avec delà ficelle, sur le dos un sac de soldat fort plein, bien bouclé et tout neuf, à la main un énorme bâton noueux, les pieds sans bas dansdes souliers ferrés, la tête tondue et la barbe longue....Jean Valjean.

Cependant, tout en allant et venant, l'hôte considérait le voyageur.
— Dîne-t-on bientôt? dit l'homme.
— Tout à l'heure, dit l'hôte

Le visage du paysan prit une expression de défiance, il regarda le nouveau venu de la tête
aux pieds, et tout à coup il s'écria avec une sorte de frémissement:
— Est-ce que vous seriez l'homme?.
Il jeta un nouveau coup d'oeil sur l'étranger, fit trois pas en arrière, posa la lampe sur la
table et décrocha son fusil du mur.

C'était la niche d'un chien. Il était lui-même vigoureux et redoutable; il s'arma de son bâton, il se fit de son sacun bouclier, et sortit de la niche comme il put, non sans élargir les déchirures de ses haillons.

Il arriva à temps pour voir un bras passé à travers un trou fait d'un coup de  poing dans la grille et dans la vitre. Le bras saisit un pain et l'emporta. Isabeau sortit en hâte; le voleur s'enfuyait à toutes jambes;
Isabeau courut après lui et l'arrêta. 

Un homme à la mer!
Qu'importe! le navire ne s'arrête pas. Le vent souille, ce sombre navire-là a une route
qu'il est forcé de continuer. Il passe.


Au bout de quelques instants, son bras gauche se leva lentement vers son front, et il ôta sa casquette, puis son bras retomba avec la même lenteur, et Jean Valjean rentra dans sa contemplation, sa casquette dans la main gauche, sa massue dans la main droite, ses cheveux hérissés sur sa tête farouche. L'évêque continuait de dormir dans une paix profonde sous ce regard effrayant.


— Mon ami, reprit l'évêque, avant de vous en aller, voici vos chandeliers. Prenez-les. Il alla à la cheminée,prit les deux flambeaux d'argent et les apporta à Jean Valjean. Les deux femmes le regardaient faire sans un mot, sans un geste, sans un regard qui pût déranger.
 

— Ah! c'est encore toi! dit Jean Valjean, et se dressant brusquementtout debout, le pied toujours sur la pièce d'argent, il ajouta: —Veux-tu bien te sauver! L'enfant effaré le regarda, puis commença à trembler de la tête aux pieds, et, après quelques secondes de stupeur, se mit à s'enfuir en courant de toutes ses forces sans oser tourner.

 

L'Année 1817

 Fantine était belle, sans trop le savoir. Les rares songeurs, prêtres mystérieux du beau, qui confrontent silencieusement toute chose à la perfection, eussent entrevu en cette petite ouvrière, à travers la transparence de la grâce parisienne, l'antique euphonie sacrée. Cette fille de l'ombre avait de la race. Elle était belle sous les deux espèces, qui sont le style et le rhythme. Le style est la forme de l'idéal; le rhythme en est le mouvement. Nous avons dit que Fantine était la joie;

Et, dans cette communauté de paradis, parlant, chantant, courant, dansant, chassant aux
papillons, cueillant des liserons, mouillant leur bas à jour roses dans les hautes herbes,
fraîches, fulles, point méchantes, toutes recevaient un peu cà et là les baisers de tous, excepté
Fantine enfermée dans sa vague résistancerêveuse et farouche, et qui aimait.

Tout en y balançant ces belles l'une après l'autre, ce qui faisait, parmi les rires universels, des plis de jupe envolée où Greuze eût trouvé son compte,le Toulousain Tholomyès, quelque peu Espagnol,
Toulouse est cousine de Tolosa, chantait, sur une mélopée mélancolique, la vieille chanson gallega probablementinspirée par quelquebelle fille lancée à toute volée sur une corde entre deux arbres:
Soy de Badajoz.
Amor me llama.
Toda mi alma,
Es en'mi ojos,
Porque ensenas
A tus piernas.
Fantine seule

Tholomyès, lancé, se serait difficilement arrêté, si un cheval ne se fût abattu sur le quai en cet instant-là même. Du choc, la charrette et l'orateur restèrent courts. C'était une jument beauceronne, vieille et maigre, et digne de l'équarrisseur, qui traînait une charrette fort lourde. Parvenue devant Bombarda, la bête, épuisée et accablée, avait refusé d'aller plus loin. Cet incident avait fait de la foule. A peine le charretier, jurant et indigné, avait-il eu le temps de prononcer avec l'énergie convenable le mot sacramentel: mâtin! appuyé d'un implacable coup de fouet, que la haridelle était tombée pour ne plus se relever.

Elle décacheta vivement la lettre, l'ouvrit et lut (elle savait lire) : O nos amantes!

CONFIER C'EST QUELQUEFOIS LIVRER


Le centre de la chaîne pendait sous l'essieu assez près de terre, et sur la courbure,comme sur la corde d'une balançoire, étaient assises et groupées, ce soir-là, dans un entrelacement exquis, deux petites filles, l'une d'environ deux ans et demi, l'autre de dix-huit mois, la plus petite dans les bras de la plus grande. Un mouchoir savamment noué les empêchait de tomber. Une mère avait vu cette effroyable chaîneet avait dit: Tiens! voilà un joujou pour mes enfants.

Qu'était-ce que les Thénardier?
Disons-en un mot dès à présent. Nous compléterons le croquis plus tard.


On fit faire à Cosette les commissions, balayer les chambres, la cour, la rue, laver la vaisselle,
porter même des fardeaux.

LA DESCENTE

Le cheval avait les deux cuisses cassées et ne pouvait se relever. Le vieillard était engagé entre les roues. La chute avait été tellement malheureuse que toute la voiture pesait sur sa poitrine. La charrette était assez lourdement chargée. Le père Fauchelevent poussait des râles lamentables. On avait essayé de le tirer, mais en vain. Un effort désordonné, une aide maladroite, une secousse à faux pouvaient l'achever.
Le lendemain matin, comme Marguerite entrait dans la chambre de Fantine avant le jour, car elles travaillaient toujours ensemble et de cette façon n'allumaient qu'une chandelle pour deux, elle trouva Fantine assise sur son lit, pâle, glacée. Elle ne s'était pas couchée. Son bonnet était tombé sur ses genoux. La chandelle avait brûlé toute la nuit et était presque entièrement consumée. Marguerite s'arrêta sur le seuil, pétrifiée de cet énorme désordre, et s'écria: — Seigneur! la chandelle qui est toute brûlée!


Monsieur Madeleine

Ce peu d'effet piqua sans doute l'oisif qui, profitant d'un moment où elle se retournait, s'avança derrière elle à pas de loup et en étouffant son rire, se baissa, prit sur le pavé une poignée de neige et la lui plongea brusquement dans le dos entre ses deux épaules nues. La fille poussa un rugissement, se tourna, bondit comme une panthère, et se rua sur l'homme, fui enfonçant ses ongles dans le visage, avec les plus effroyables paroles qui puissent tomber du corps de garde dans le ruisseau. 

—Six mois! six mois de prison! cria-t-elle. Six mois à gagner sept sous par jour! mais que deviendra Cosette? ma fille! ma fille! Mais je dois encore plus de cent francs aux Thénardier, monsieur l'inspecteur, savez-vous cela? Elle se traîna sur la dalle mouillée par les bottes boueuses de tous ces hommes, sans se lever, joignant les mains, faisant de grands pas avec ses genoux.


JAVERT

Inspecteur Javert


L'AFFAIRE CHAMPMATHIEU

 La Soeur Simplice

Il était monté dans sa chambre et s'y était enfermé, ce qui n'avait rien que de simple, car il se couchait volontiers de bonne heure. Pourtant la concierge de la fabrique, qui était en même temps l'unique servante de M.Madeleine, observa que sa lumière s'éteignit à huit heures et demie, et elle le dit au caissier qui rentrait, en ajoutant: — Est-ce que M. le maire est malade? 

Il s'y endormit et fit un rêve.
« Nous vîmes un homme qui passa près de
« nous. C'était un homme tout nu couleur de
« cendre monté sur un cheval couleur de terre.
« L'homme n'avait pas de cheveux; on voyait
« son crâne et des veines sur son crâne. Il
« tenait à la main une baguette qui était souple
« comme un sarmentdevigne et lourde comme
« du fer. Ce cavalier passa et ne nous dit rien.
« Mon frère me dit:-Prenons par le chemin creux.
« Il y avait un chemin creux où l'on ne voyait pas une broussaille ni un brin de mousse.
Tout en songeant,il fouettait le cheval, leqûel trottait de ce bon trot réglé et sûr qui fait deux lieues et demie à l'heure. A mesure que le cabriolet avançait, il sentait quelque chose en lui qui reculait.

L'avocat avait  établi que le vol des pommes n'était pas matériellement prouvé.
— Son client, qu'en sa qualité de défenseur, il persistait à appeler Champmathieu,
n'avait été vu de personne escaladant le mur ou cassant la branche.

 

— Messieurs les jurés, faites relâcher l'accusé. Monsieur le président, faites - moi arrêter. L'homme que vous cherchez, ce n'est pas lui, c'est moi. Je suis Jean Valjean. 

 

 

Jean Valjean, sa barre de fer au poing, marcha lentement vers le lit de Fantine. Quand il
y fut parvenu, il se retourna et dit à Javert  d'une voix qu'on entendait à peine :
—Je ne vous conseille pas de me déranger en ce moment. 

—En prison, dit-il. J'y étais, j'ai brisé un barreau d'une fenêtre, je me suis laissé tomber
du haut d'un toit, et me voici. Je monte à ma chambre, allez me chercher la sœur Simplice. 


—Ainsi, reprit Javert, excusez-moi si j'insiste, c'est mon devoir, vous n'avez pas vu ce
soir une personne, un homme, il s'est évadé, nous le cherchons, —ce nommé Jean Valjean, vous ne l'avez pas vu? La sœur répondit : — Non.

 

Un dernier mot sur Fantine.
Nous avons tous une mère, la terre. On rendit Fantine à cette mère.

Le curé crut bien faire, et fit bien peut-être, en réservant, sur ce que Jean Valjean avait
laissé, le plus d'argent possible aux pauvres.


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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