Montag, 6. Februar 2023

Alexandre Dumas: Les Trois Mousquetaires illustré par Maurice Leloir, Tome Second; II

 

 

Pendant ce temps, d’Artagnan défilait avec sa compagnie. En arrivant au faubourg Saint-Antoine, il se retourna pour regarder gaîment la Bastille, à laquelle il avait échappé jusqu’alors.

 

CHAPITRE XLI.

LE SIÉGE DE LA ROCHELLE.

 

Et aussitôt, il s’enfuit à toutes jambes dans la direction du camp, avec la vitesse des gens de son pays, si renommés pour leur agilité ; mais, quelle que fût la rapidité de sa course, le premier qui avait tiré ayant eu le temps de recharger son arme, lui envoya un second coup si bien ajusté, cette fois, que la balle traversa son feutre et le fit voler à dix pas de lui. 
 
 
— Quatre hommes de bonne volonté pour venir se faire tuer avec moi ! dit d’Artagnan en levant son épée. 

 
Pendant ce temps, d’Artagnan s’était jeté sur le second soldat, l’attaquant avec son épée. La lutte ne fut pas longue : ce misérable n’avait pour se défendre que son arquebuse déchargée. L’épée du garde glissa contre le canon de l’arme devenue inutile, et alla traverser la cuisse de l’assassin, qui tomba. D’Artagnan lui mit aussitôt la pointe du fer sur la gorge. 
 

 

D’Artagnan préféra le second moyen et chargea l’assassin sur ses épaules au moment même où l’ennemi faisait feu.

Une légère secousse, un dernier cri, un frémissement d’agonie prouvèrent à d’Artagnan que celui qui avait voulu l’assassiner venait de lui sauver la vie. 

 

CHAPITRE XLII.

LE VIN D’ANJOU.

D’Artagnan, en rentrant, envoya ses douze bouteilles de vin à la buvette des gardes, en recommandant qu’on les conservât avec soin ; puis le jour de la solennité, comme le dîner était fixé pour l’heure de midi, d’Artagnan envoya dès neuf heures Planchet pour tout préparer.

 En effet, le roi, dans son impatience, venait de doubler deux étapes et arrivait à l’instant même avec toute sa maison et un renfort de dix mille hommes de troupes. Ses mousquetaires le précédaient et le suivaient. D’Artagnan, placé en haie avec sa compagnie, salua d’un geste expressif ses amis, qui lui répondirent des yeux, et M. de Tréville, qui le reconnut tout d’abord.

 


Le premier objet qui frappa la vue de d’Artagnan en entrant dans la salle à manger fut Brisemont étendu par terre et se roulant dans d’atroces convulsions.

Planchet et Fourreau, pâles comme des morts, essayaient de lui porter secours ; mais il était évident que tout secours serait inutile : tous les traits du moribond étaient crispés par l’agonie.

— Ah ! s’écria-t-il en apercevant d’Artagnan, ah ! c’est affreux : vous avez l’air de me faire grâce et vous m’empoisonnez ! 

 

CHAPITRE XLIII.

L’AUBERGE DU COLOMBIER-ROUGE.

 


— Mousquetaires du roi ! dit Athos, de plus en plus convaincu que celui qui les interrogeait en avait le droit.

— Quelle compagnie ?

— Compagnie de Tréville.

— Avancez à l’ordre, et venez me rendre compte de ce que vous faites ici à cette heure.

 


L’hôte se tenait sur le seuil de la porte ; pour lui le cardinal n’était qu’un officier venant visiter une dame.

— Avez-vous quelque chambre au rez-de-chaussée où ces messieurs puissent m’attendre près d’un bon feu ? dit le cardinal. 

 

CHAPITRE XLIV.

DE L’UTILITÉ DES TUYAUX DE POÊLE.

 

En réfléchissant et en se promenant, Athos passait et repassait devant le tuyau du poêle rompu par la moitié et dont l’autre extrémité donnait dans la chambre supérieure, et à chaque fois qu’il passait et repassait, il entendait un murmure de paroles qui finirent par fixer son attention. Athos s’approcha et distingua quelques mots qui lui parurent sans doute mériter un si grand intérêt qu’il fit signe à ses compagnons de se taire, restant lui-même courbé, l’oreille tendue à la hauteur de l’orifice inférieur. 
 


— Je ne sais pas ce que vous voulez dire, reprit le cardinal, et ne veux même pas le savoir, mais j’ai le désir de vous être agréable et ne vois aucun inconvénient à vous donner ce que vous demandez à l’égard d’une si infime créature, d’autant plus, comme vous me le dites, que ce petit d’Artagnan est un libertin, un duelliste, un traître.

— Un infâme ! monseigneur, un infâme !

— Donnez-moi donc du papier, une plume et de l’encre, dit le cardinal.

— En voici, monseigneur.

Il se fit un instant de silence qui prouvait que le cardinal était occupé à chercher les termes dans lesquels devait être écrit le billet, ou même à l’écrire. 
 

Quant à Athos, il sortit sans aucun mystère, alla prendre son cheval attaché avec ceux de ses deux amis au tourniquet des contrevents, convainquit en quatre mots l’écuyer de la nécessité d’une avant-garde pour le retour, visita avec affectation l’amorce de ses pistolets, mit l’épée aux dents, et suivit en enfant perdu la route qui conduisait au camp.

 

CHAPITRE XLV.

SCÈNE CONJUGALE.

 

 

Athos était debout devant la porte, enveloppé dans son manteau, son feutre rabattu sur ses yeux.

En voyant cette figure muette et immobile comme une statue, milady eut peur.

— Qui êtes-vous et que demandez-vous ? s’écria-t-elle.

— Allons, c’est bien elle ! murmura Athos. 

 

Athos leva lentement son pistolet, étendit le bras de manière à ce que l’arme touchât presque le front de milady, puis d’une voix d’autant plus terrible qu’elle avait le calme suprême d’une inflexible résolution :

— Madame, dit-il, vous allez à l’instant même me remettre le papier que vous a signé le cardinal, ou, sur mon âme, je vous fais sauter la cervelle. 

 

CHAPITRE XLVI.

LE BASTION DE SAINT-GERVAIS.

— Eh bien, M. de Busigny, je parie avec vous, dit Athos, que mes trois compagnons, MM. Porthos, Aramis, d’Artagnan et moi, nous allons déjeuner dans le bastion Saint-Gervais et que nous y tenons une heure montre à la main, quelque chose que fasse l’ennemi pour nous déloger.

 

Grimaud posa son panier à terre et s’assit en secouant la tête.

Athos prit à sa ceinture un pistolet, regarda s’il était bien amorcé, l’arma et approcha le canon de l’oreille de Grimaud. 

 


 

Athos ôta son chapeau, le mit au bout de son épée et l’agita en l’air.Tous les spectateurs lui rendirent son salut, accompagnant cette politesse d’un grand hourra qui arriva jusqu’à eux.Après quoi, ils disparurent tous quatre dans le bastion, où les avait déjà précédés Grimaud.

 

CHAPITRE XLVII.

LE CONSEIL DES MOUSQUETAIRES.

 


— Ces morts peuvent nous servir ? dit Porthos ; ah çà, vous devenez fou. — Ne jugez pas témérairement, disent l’Évangile et M. le cardinal, reprit Athos ; combien de fusils, messieurs ?

— Douze, répondit Aramis.

— Combien de coups à tirer ?

— Une centaine.

— C’est tout autant qu’il nous en faut ; chargeons les armes.

Les quatre mousquetaires se mirent à la besogne. Comme ils achevaient de charger le dernier fusil, Grimaud fit signe que le déjeuner était servi. 

 


Mais Athos ne tint aucun compte de l’avis, et montant sur la brèche, son fusil d’une main et son chapeau de l’autre :

— Messieurs, dit-il en s’adressant aux soldats et aux travailleurs, qui, étonnés de son apparition, s’arrêtaient à cinquante pas environ du bastion, et en les saluant courtoisement ; messieurs, nous sommes quelques amis et moi en train de déjeuner dans ce bastion. Or, vous savez que rien n’est désagréable comme d’être dérangé quand on déjeune ; nous vous prions donc, si vous avez absolument affaire ici, d’attendre que nous ayons fini notre repas, ou de repasser plus tard, à moins qu’il ne vous prenne la salutaire envie de quitter le parti de la rébellion et de venir boire avec nous à la santé du roi de France.


D’Artagnan le déplia d’une main dont il n’essayait pas même de dissimuler le tremblement, et lut à son tour :

« C’est par mon ordre et pour le bien de l’État que le porteur du présent a fait ce qu’il a fait.

» 3 décembre 1627.
Richelieu. »

— En effet, dit Aramis, c’est une absolution dans toutes les règles.

— Il faut déchirer ce papier, s’écria d’Artagnan, qui semblait lire sa sentence de mort.

 


Et les quatre amis, secondés par Grimaud, se mirent à pousser avec le canon de leurs fusils un énorme pan de mur qui s’inclina comme si le vent le poussait, et, se détachant de sa base, tomba avec un bruit horrible dans le fossé ; puis on entendit un grand cri, un nuage de poussière monta vers le ciel, et tout fut dit.

— Les aurions-nous écrasés depuis le premier jusqu’au dernier ? demanda Athos.

— Ma foi, cela m’en a l’air, dit d’Artagnan.

— Non, dit Porthos, en voilà deux ou trois qui se sauvent tout éclopés.

En effet, trois ou quatre de ces malheureux, couverts de boue et de sang, fuyaient dans le chemin creux et regagnaient la ville : c’était tout ce qui restait de la petite troupe.

 


— Grimaud, dit Athos, en montrant les morts qui gisaient dans le bastion, vous allez prendre ces messieurs, vous allez les dresser contre la muraille, vous leur mettrez leur chapeau sur la tête et leur fusil à la main. 

Grimaud et son panier avaient pris les devants et se trouvaient tous deux hors d’atteinte. 

 

En effet, comme nous l’avons dit, tout le camp était en émoi ; plus de deux mille personnes avaient assisté, comme à un spectacle, à l’heureuse forfanterie des quatre amis ; forfanterie dont on était bien loin de soupçonner le véritable motif. On n’entendait que le cri de : Vivent les gardes ! Vivent les 
 mousquetaires !
 
  

CHAPITRE XLVIII.

AFFAIRE DE FAMILLE.


Le soir, à l’heure dite, les quatre amis se réunirent ...


 

Et d’Artagnan jeta le sac sur la table. Au son de l’or, Aramis leva les yeux. Porthos tressaillit ; quant à Athos, il resta impassible. 



Aramis lut la lettre et la passa à Athos.

— Voyez donc ce qu’elle m’écrit, Athos, dit-il.

Athos jeta un coup d’œil sur l’épître, et pour faire évanouir tous les soupçons qui auraient pu naître, lut tout haut :

« Mon cousin, ma sœur et moi devinons très bien les rêves et nous en avons même une peur affreuse ; mais du vôtre on pourra dire, je l’espère, tout songe est mensonge. Adieu, portez-vous bien, et faites que de temps en temps nous entendions parler de vous.

« Marie Michon. »
 
 

Enfin on entra dans la tente, on alluma une lampe, et tandis que Planchet se tenait sur la porte pour que les quatre amis ne fussent pas surpris, d’Artagnan, d’une main tremblante, brisa le cachet et ouvrit la lettre tant attendue.

Elle contenait une demi-ligne, d’une écriture toute britannique et d’une concision toute spartiate :

« Thank you be easy. » Ce qui voulait dire : Merci, soyez tranquille.

Athos prit la lettre des mains de d’Artagnan, l’approcha de la lampe, y mit le feu et ne la lâcha point qu’elle ne fût réduite en cendres. 

 


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